La décision de cette Cour est-elle mauvaise pour les résistants ?
https://www.energie-mediateur.fr/jurisprudence/cour-d
Deux usagères ont refusé l’installation d’un compteur communicant Linky dans leur propriété. Elles ont assigné Enedis pour empêcher cette pose. La cour d’appel a rejeté leur demande, décision confirmée par la Cour de cassation.
Pour la première fois, la Cour de cassation prend parti sur l’obligation pour les usagers de ne pas faire obstacle à l’installation du compteur LINKY sur leur propriété et, approuvant un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 juin 2023, juge, par un arrêt du 9 avril 2025, en une formulation de principe, après rappel des textes et des contrats, que :
« les usagers ne peuvent s’opposer à l’installation d’un compteur LINKY sur leur propriété, procédant de l’exercice par la société Enedis de ses prérogatives de gestionnaire du réseau public d’électricité rendues impératives pour les usagers par la loi et les termes du contrat réglementé. »
Michelle NOEL , Présidente Co-Fondatrice
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Premier commentaire
Ce n’est pas une bonne nouvelle. Cependant faut-il baisser les bras, rendre les armes ?
Pour l’instant, les EHS bien conseillés remportent leurs procès. Mais visiblement pas les autres.
Raison de plus pour nous adresser au législatif, à ceux qui font la loi car nous n’avons plus que cette carte à jouer, il nous semble. Et ils sollicitent notre bulletin de vote.
Ne désespérons surtout pas.
Nantes Cie
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Deuxième commentaire
cet arrêt ne change heureusement rien pour les gens qui gardent toujours leur compteur ordinaire, en particulier si le compteur est dans le logement ou la propriété (attention : portail fermé à clé, autrement la jurisprudence autorise Enedis à entrer)
En effet, la sacro-sainte propriété privée l’emporte sur le reste
Toutefois, il est dommage que ces personnes aient fait cette procédure dont le résultat était couru d’avance, et qui peut pousser des gens à céder (de façon injstifiée !). Au lieu de faire ça, il leur suffisait de ne pas laisser entrer Enedis, sans demander à la justice son avis !!!
Stéphane
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Troisième commentaire
dans un arrêt du 9 avril dernier, la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 2 juin 2023, qui déboutait les parisiennes et parisiens qui, pour 18 d’entre eux dès 2017, avaient fait appel à la justice pour faire interdire la pose de Linky à leurs domiciles sur la base de la protection des données personnelles et de la vie privée. L’arrêt de la Cour de Cassation, de portée limitée, ne concerne que la notion de propriété et de consentement de l’usager, et ne mentionne pas les actions engagées au titre de la protection de la santé (voir jugement de la cour d’appel de Lyon, « dossier Cascina » repris à nouveau par la presse spécialisée, et ceux, plus anciens, des cour d’appel de Bordeaux, Toulouse, Grenoble…)
Pour autant, l’arrêt de la Cour de Cassation constitue un obstacle à notre combat, qu’il faut analyser et contourner. Nos amis de Stop Linky Var et Paca, Stéphane Lhomme et nos amis de Nantes (merci à eux) ont commenté le document « brut » que je joins à nouveau, voici quelques éléments complémentaires.
Quelle était l’action initiale des « 18 de Paris »?
Dès le 7 juin 2017, 18 parisiennes et parisiens demandaient au Tribunal judiciaire de Paris, compte tenu de irrégularités constatées (pas d’information préalable, relevé de la consommation toutes les 1/2 heures, communication des « courbes de charges » à des tiers sans le consentement des usagers…) « d’enjoindre à ENEDIS de ne pas remplacer par un compteur communicant de type Linky les compteurs électriques auxquels sont raccordés (leurs) installations électriques (…) ». Le 10 décembre 2020, le Tribunal Judiciaire nous déboutait.
Que disait l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris?
Le temps ayant passé (déménagements, décès, découragement. …), après échange avec notre avocate et débat dans la coordination parisienne (SCALP Ile de France), 4 des 18 plaignants faisaient appel le 23 février 2021:
« Les 18 parisiennes et parisiens requérants contre ENEDIS n’ont pas obtenu du Tribunal Judiciaire de Paris l’interdiction pour ENEDIS de poser un compteur Linky chez eux… mais en l’absence dans la loi de toute disposition s’imposant aux personnes, nous continuons à soutenir que nul n’est tenu d’accepter la mise en place d’un compteur Linky chez lui. »
(Maître Blanche MAGARINOS REY, 16 mars 2021)
Cet appel s’accompagnait, comme précédemment, d’une mobilisation réelle à Paris et en proche région parisienne: manifestations, diffusions…
Malgré le constat d’huissier que nous avions produit, qui prouvait qu’ENEDIS relève nos consommations toutes les 1/2 heures, la Cour d’Appel nous déboutait le 2 juin 2023 de nos demandes au motif principal qu’en utilisant nos accès internet sur le site d’ENEDIS, nous ne pouvions plus ignorer qu’ENEDIS s’était mis en conformité dès juillet 2018 avec la réglementation. En effet, depuis 2018, ENEDIS soumet la transmission de nos données personnelles à des tiers (fournisseurs d’électricité, industriels divers…) à notre autorisation ECRITE sur nos espaces personnels. Et la Cour d’appel refusait donc de prendre en compte notre position de principe (« la violation invoquée du droit à la protection des données à caractère personnel ») pour un motif de forme:
« Quant à l’accès à internet, il est rapporté par les appelants eux-mêmes au vu de ces constats d’huissier qu’ils y ont accès ; ne représentant pas les intérêts d’une association de consommateurs, ils ne peuvent plaider pour les usagers qui ne bénéficieraient pas d’un accès internet. »
Que dit l’arrêt de la Cour de Cassation?:
Constatant ce qui était acquis, mais souhaitant poursuivre « par principe », nos amies SB et CR ont décidé, contre l’avis des collectifs concernés, à leurs frais, mais aux risques de tous, d’engager un pourvoi devant la Cour de Cassation. Jusqu’au 15 novembre 2023, nous avons tenté de les dissuader de confirmer leur pourvoi, en précisant:
» (…) En l’état actuel de nos informations, nous vous incitons à abandonner ce pourvoi qui vise à « casser et annuler » l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris pour des motifs non définis à ce jour (…) Dans le cas n° 2 (confirmation de l’arrêt de la Cour d’Appel), la décision de la cour d’appel créerait une jurisprudence défavorable à tous les opposants au compteur Linky (…) »
C’est malheureusement ce qui vient de se produire, avec, heureusement, un impact limité dans le contexte actuel. Comme l’a relevé la présidente du collectif « Stop Linky Var et PACA », l’attendu de la Cour de Cassation indique: dans son arrêt du 9 avril dernier:
« les usagers ne peuvent s’opposer à l’installation d’un compteur LINKY sur leur propriété, procédant de l’exercice par la société Enedis de ses prérogatives de gestionnaire du réseau public d’électricité rendues impératives pour les usagers par la loi et les termes du contrat réglementé. »
Cet attendu faisant référence au contenu de l’arrêt de la cour d’appel de Paris (voir plus haut), il ne concerne donc pas les décisions de justice relatives à la protection de la santé. Par contre dans les autres cas (atteinte au droit de propriété, droit à la protection des données personnelles et au respect de la vie privée), cet arrêt risque de faire jurisprudence ou du moins d’être cité contre nous lors de procès.
Quelles leçons en tirer?
Comme nous l’écrivions dès le 6 juin 2021, » L’action judiciaire n’est qu’une partie du combat citoyen… » Mais utilisée sans discernement, ou sur la base de mauvais conseils, comme ce fut le cas devant plusieurs juridictions (voir rappel de nos amis de St Etienne à ce sujet, mais aussi les nombreuses pseudo actions de groupe menées, entre autres, en région parisienne), elle peut aussi devenir un obstacle. C’est le cas de ce pourvoi devant la Cour de Cassation.
Le résultat de l’ensemble de nos actions collectives est que, depuis 2017, ENEDIS a été contraint :
– de rétropédaler sur l’utilisation commerciale de nos données de consommation (voir la chronologie des vidéos comportant des interviews de MM MONLOUBOU et LASSUS, respectivement ex-président du directoire d’ENEDIS et ex-directeur du programme Linky);
– de mettre en place, sur son site internet et apparemment depuis le 1° juillet 2018, les dispositions recommandées par la CNIL et exigées par le décret « Ségolène Royal » du 10 mai 2017 (autorisation préalable de l’usager avant transmission des données à des tiers);
– d’adopter des procédures internes (non publiques) permettant de prendre en compte les problèmes de santé, allant de la simple prise en compte de la déclaration d’EHS ou d’appareillage médical à la prise en compte limitée à celle de « personnes à haut risque vital »;
– d’accepter, dans les conditions fixées par la Commission de Régulation de l’Energie, la relève des compteurs par les usagers eux-mêmes . la suite de nos recours (rejetés) pour « discrimination » devant le Conseil d’Etat prouve qu’ENEDIS n’est autorisé qu’à des mesures « incitatives » pour déveloper le programme Linky rebabptisé « mise en place de compterus évolués »(frais de relève différenciés, voir les échanges récents à ce sujet mais ne peut en aucun cas nous sanctionner (pas d’amendes);
– d’empêcher dans plusieurs agglomérations avec succès la mise en place de compteurs Linky chez des personnes EHS, souvent avec l’appui de syndicalistes d’ENEDIS, , voire de déposer les dits compteurs (Nantes, St Etienne, Paris, Bordeaux, etc…) quand ils ont été installés par force ou par ruse.
Parallèlement, le droit à la protection de la santé s’impose, difficilement acquis au prix de longues procédures juridiques (Grenoble, Toulouse, Bordeaux, St Etienne, Valence, Lyon, etc…), mais aussi de la patiente lutte des EHS pour la reconnaissance de la réalité et des effets des CPL (courants por’teurs en ligne ») générés par le système Linky. Est-ce l’étude ANSES en cours, à laquelle participe l’association Priartem, qui va inaugurer « l’audit interdisciplinaire » annoncé par le Ministère de la Transition énergétique dans la presse spécialisée?
En résumé, comme le soulignait dans un attendu l’arrêt du 17 novembre 2020, toujours valable, la Cour d’Appel de Bordeaux,
« (…) Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la société Enedis, aucun texte légal ou règlementaire, européen ou national n’impose à Enedis, société commerciale privée, concessionnaire du service public, d’installer au domicile des particuliers des compteurs Linky, qui entrent certes dans la catégorie des compteurs intelligents ou communicants, c’est-à-dire pouvant être actionnés et interrogés à distance, mais n’en sont en réalité qu’un modèle, utilisant la technologie CPL sur le réseau à basse tension comme premier niveau de communication, un deuxième niveau étant assuré par le réseau de téléphonie mobile (…) »
Et notre combat continue, avec le « Procès citoyen de Linky » d’une part, et, à Paris, la relance de l’action contre les « poses sauvages » de Linky…
… à suivre
Collectif « Linky non merci! » Paris-Sud / SCALP IdF
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Quatrième commentaire
Nous comprenons mieux maintenant.
Toute défaite judiciaire n’est pas bonne pour nous, mais cette défaite en cassation n’est – a priori – peut-être pas aussi inquiétante que cela.
Le cours de la Justice étant lent, la justice suivait donc dans cette affaire un processus amorcé en 2017… De l’eau est passée entretemps sous les ponts. La question est de savoir si, compte tenu des enjeux complexes du Linky, la voie judiciaire, toujours morcelée sur tel ou tel aspect, est bien la bonne. Si nous ne continuerons pas à tourner plus ou moins en rond indéfiniment. La décision d’imposer le Linky pour des raisons de « modernisation du réseau électrique » et de « transition énergétique » fut une décision politique, et non judiciaire, dans les conditions plus que douteuses que l’on connaît (nous l’évoquons dans le Procès) . Il nous faut donc répliquer par la même voie – politique, adressée à ceux qui font la loi– et d’ailleurs, nous aurions dû le faire avant. Mais il n’est jamais trop tard.
Car nous ne sortirons jamais du cercle vicieux : Le Linky n’est pas obligatoire tout en l’étant mais ne l’étant pas. Les Juges jugent ce qu’ils ont à juger selon ce qui leur est présenté.
Notre avis est qu’il faut éviter aujourd’hui toute action en justice qui ne concerne pas les cas médicaux car le risque de défaite est grand et ne peut aider notre cause. Les victoires dans les cas médicaux se suivent maintenant si bien que si le conseil est compétent est habile, cela fait en quelque sorte jurisprudence en interne, de procès gagné en procès gagné… sans que cela ne le fasse définitivement d’ailleurs ! Et c’est bien le problème.
Effectivement chez nous, depuis 3 ans, les EHS avec certificat médical, y compris de son médecin, sont protégés avec non-poses ou déposes de Linky. Et apparemment cela se ferait aussi dans d’autres lieux, apprend-on.
Sur ce plan, c’est une avancée certaine depuis 2015.
Nous intrigue cet « audit interdisciplinaire », mais il ne concernerait encore, semble-t-il, que l’aspect sanitaire.
En dehors, donc, des cas médicaux, que se passera-t-il pour les autres ? Ils paieront la relève (pour combien de temps et toujours à ce taux ?), enverront leur index, soit. Mais que se passera-t-il quand le compteur « non évolué » tombera en panne ou en cas de déménagement quand l’on voudra faire enlever le Linky installé et que le CPL des voisins continuera à nous arroser ?
À ce propos, notre 1ère campagne anti-Linky a quand même laissé des traces. Elle a été suivie par le syndicat CGT-Mines Énergie, dont des agents d’Enedis et d’EDF, et par l’entremise de Sophie Binet qui nous a dit ne pas pouvoir intervenir directement car ce n’est pas son rôle. Sauf que ce qui est dit dans le Procès citoyen Linky, qui est une piqûre de rappel, est loin de leur déplaire. Ils le pensaient depuis le début et d’ailleurs nous les citons dans le Procès citoyen. Qui enlève chez Enedis sur les 24 communes de Nantes Métropole les Linky aux EHS, qui ne pose pas de Linky quand les compteurs « non-évolués » tombent en panne (y compris pour des non-EHS) ? Devinez. (Et ne pas croire que c’est facile pour nous, ni que ce sont des dizaines de retirés – sauf que).
Lors de la délibération de la CRE, nous avons déposé 2 contributions que nous avions au préalable soumises à nos « complices » de Mines Énergie car nous réclamions le maintien de la relève à pied pour tous (Linky ou pas) + le maintien en état de « compteurs non évolués ». Et bien sûr, sur fond de sortie du marché de ce bien commun fondamental qu’est l’électricité. Dans la seconde contribution, nous avions synthétisé notre 1ère argumentation en nous appuyant sur le 2ème rapport de la Cour des comptes, accablant pour Enedis. Nous l’avons aussi envoyé en courrier postal en RAR à Madame Wargon. Et nous avons eu l’agréable surprise de voir que sous des formes alambiquées cette demande a été entendue. Pas la sortie du marché, on s’en doutait, c’était trop pour Wargon et ses complices macroniens du Conseil d’État. Sauf que nous n’avons pas de quoi nous en réjouir car c’est bien fragile. Et il est évident pour nous que la pression sur Wargon a été mise par les syndicats de l’électricité, d’où les petites concessions que nous avons remarquées.
Cependant, rien n’est assuré sur ce point. Le directoire d’Enedis joue l’usure avec la complicité des pouvoirs publics. Et aussi sur l’usure réelle des résistants qui se dispersent en actions diverses. De nombreux collectifs ont disparu ou déposé les armes, nous avons pu nous en rendre compte en tentant de rameuter les collectifs anti-Linky en avril 24 lors de notre première campagne et nous avons constaté que certains qui avaient répondu ne fonctionnent plus un an après.
C’est pour cela que nous ne voyons pas d’autre solution que de secouer nos parlementaires friands de nos voix. Beaucoup ont remonté les doléances, ont tiqué, proposé motion et projet de loi, et puis plus rien.
Il faut donc le plus massivement les réveiller en réclamant une enquête parlementaire ou l’équivalent. D’où l’urgence d’activer partout dans le pays notre Procès citoyen car nous avons constaté que si des villes et régions sont au combat (Le Nord, le 33, le Grand-Est, Saône-Beaujolais, le Comtat-Ventoux, la Loire et St Étienne, le 64, les Pays-de-la-Loire et quelques autres), c’est désespérément mou, très mou dans beaucoup d’autres.
Nantes Cie