Les méthodes classiques d’Enedis et de ses partenaires
Enedis tire sur la corde (électro) sensible
Anne Boury est reconnue comme électrohypersensible depuis 2017, la proximité avec de nombreux appareils électriques lui cause bien des soucis de santé. Il y a cinq ans, voyant que le Linky commence à être déployé partout, elle somme Enedis de ne pas mettre ce compteur « intelligent » chez elle. Peine perdue puisque depuis novembre dernier, son logement est équipé du fameux boîtier, qui lui pourrit la vie. Depuis, elle bataille pour obtenir la désinstallation de l’appareil. Mais en face, le service public de l’électricité ne l’entend pas de cette oreille. La direction territoriale refuse de retirer le compteur et fait l’autruche, à tel point que même l’huissière mandatée par la plaignante pour officialiser sa requête trouve porte close ! Dans ce combat du pot de terre contre le pot de fer, y’a de l’électricité dans l’air…
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Si on devait décrire A. Boury en un mot, on dirait sans hésiter qu’elle est tenace. Car, face aux conséquences de son électrohypersensibilité, entre autres problèmes de santé, il faut une sacrée force de caractère. En novembre 2010, salariée de l’URSSAF, elle avait obtenu le blindage de son bureau pour atténuer l’impact des ondes électromagnétiques émises à longueur de journée. « Hélas, il ne l’a été que partiellement », précise-t-elle aujourd’hui. Pas suffisant pour lui épargner un long arrêt maladie. En 2012, elle est licenciée pour « inaptitude à tout poste ». Après des années de bataille judiciaire, elle a finalement gagné son procès contre l’URSSAF en juillet dernier : le motif de son licenciement a été considéré comme « sans cause réelle ni sérieuse ».
Alors, le déploiement à marche forcée d’un appareil « communicant » comme le compteur Linky, elle l’a vu venir et a pris les devants. En 2016, elle somme Enedis de ne pas installer le boitier jaune chez elle en expliquant ses problèmes de santé. Si rien ne se passe pendant plus de quatre ans, début novembre, l’entreprise publique finit pas installer le compteur quand même, à l’extérieur du logement. S’en suivent plusieurs échanges par courrier avec Enedis, notamment avec le directeur territorial de la Vendée, Josselin Boursier, qu’elle somme de retirer le boitier. L’habitant insiste sur les effets causés par le compteur. En sa présence, les effets sont très vite perceptibles : « j’ai des secousses corporelles, des crampes, ce sont des signes caractéristiques que j’ai déjà ressenti en présence du Linky. Heureusement, je ne vis pas en permanence chez moi », explique-t-elle.
En début d’année, le directeur lui répond par écrit. S’il « regrette sincèrement (qu’elle ait) à souffrir de ces troubles physiques », il évacue le lien entre électrosensibilité et Linky : « ce compteur n’émet pas davantage de champ électrique que l’ancien et moins que la plupart des appareils électriques classiques ». Ce à quoi A. Boury rétorque qu’elle « débranche tous (ses) appareils au fur et à mesure » pour justement atténuer l’effet des ondes. Quoiqu’il en soit, le responsable vendéen d’Enedis indique qu’il ne donnera pas suite à la demande.
L’épreuve se poursuit pour Anne, avec le sentiment, surtout, d’avoir affaire à une entreprise qui « manque d’humanité »
La politique de la tête dans le sable
Devant cette situation bloquée, elle décide de mandater un huissier de justice pour remettre à l’entreprise une sommation interpellative, attestant de l’objet de sa requête. Mais, comme si la malédiction la poursuivait, rien ne se passe comme prévu. La délivrance de cette sommation doit en effet se faire selon des règles juridiques bien précises, notamment la nécessité de signifier l’acte à la personne concernée, c’est-à-dire de lui lire le texte… L’huissière de justice dépêchée par A. Boury se rend donc le 15 avril au siège social d’Enedis, à La Roche, pour remettre le document en main propre à Josselin Boursier ou à « toute personne habilité à recevoir » son acte, comme elle le précise dans son compte-rendu. Malgré ses nombreuses tentatives, personne ne descend. Ni les jours d’après. Début mai, elle reçoit bien un mail d’Enedis … mais c’est le service juridique qui lui demande le fondement légal de sa démarche § Depuis, la sommation interpellative attend toujours sagement à l’étude qu’Enedis vienne la récupérer.
Contacté par nos soins, Josselin Boursier maintient son refus de retirer le Linky en se rangeant derrière « l’objectif industriel de déploiement qui nous incombe ». Mieux : le directeur n’hésite pas à remettre en cause le bien-fondé de la démarche de l’huissière ! « Il n’y a pas de raison que ce document soit absolument remis en main propre. Avec le télétravail, ce n’est pas étonnant qu’il y ait moins de monde au siège. Elle peut très bien nous envoyer le document par voie postale, je ne suis pas d’accord avec le fait de le lire à haute voix »… Voilà de quoi déconcerter tout huissier qui se respecte, à en faire tomber son Code de procédure civile ! Mais le responsable l’assure : « l’instruction du dossier n’est pas terminée.
Toujours est-il que, sept mois après la pose du boitier de la discorde, rein n’a bougé. A. Boury n’exclut donc pas d’aller en justice, encouragée par un jugement récent. En avril 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a en effet donné raison à 13 personnes considérées comme électrosensibles, en ordonnant la pose de filtres. « Ce serait le minimum que j’obtienne ça aussi », assure Anne Boury, qui n’a pas l’intention de lâcher prise. Tenace, on vous dit.
Le Sans-culotte 85