Un risque majeur pour la France
L’État entrevoit une aide urgente pour soutenir EDF. Celle-ci dépend de l’accord de la Direction générale de la Concurrence, européenne et de la Commission européenne, qui exige qu’EDF soit transformée en une holding sans rôle opérationnel, ni contrôle sur ses filiales. Cela générerait des risques économiques, politiques et environnementaux pour la France.
Le plan « Hercule » initial
L’idée initiale du plan de sauvetage « Hercule » consistait à scinder le groupe, de manière à écarter le nucléaire et ses risques financiers des autres secteurs. Dans les faits, deux entités, une société « Bleue », détenue par l’État, comprendrait le secteur du nucléaire (le plus déficitaire) et des barrages hydroélectriques de l’hydroélectricité dont 150 contrats de concessions arrivent à terme d’ici 2023 (structurée au sein d’une société Azur). L’État français devra investir 8 milliards d’euros pour racheter les actions EDF aux investisseurs privés. Une autre société, « Verte », couvrirait les énergies renouvelables restantes, les réseaux (Enedis), les services énergétiques (transport, acheminement) et le commerce. Cette seconde entité, propriété de la première, serait introduite en bourse, l’État conservant 65% du capital via la société Bleue.
Le dogme de la concurrence pure et parfaite aura raison d’EDF
Pour assainir la situation financière d’EDF, dont la dette s’élevait à 41,1 milliards fin 2019, l’État français envisageait de recapitaliser l’entreprise. Il revoit parallèlement les conditions de vente de la production d’électricité aux concurrents d’EDF. Toutefois, au sein de l’Union Européenne, tout soutien d’une entreprise avec des fonds publics est soumis à l’examen préalable et l’accord de l’autorité de concurrence européenne, (DG COMP) qui considère cette action comme inacceptable de la part de l’État, actionnaire principal d’EDF. En effet, la Commission Européenne tient à ce que EDF ne bénéficie pas d’avantages particuliers ou conséquents face à ses concurrents européens. Par conséquent, l’Union Européenne applique le principe de concurrence stricto sensu et souhaite donc modifier le projet « Hercule » dans ce sens. Un rapport de restructuration mis en ligne le 6 mai 2020, évoquait les modalités de réorganisation d’EDF et la validation du plan « Hercule ». Il explique clairement que la Commission Européenne souhaite qu’EDF soit scindée en trois entités citées ci-dessus (Bleue, Vert, Azur) et non plus en deux, et que la partie nucléaire soit isolée du reste des ENR (énergies renouvelables) et renationalisée, les deux autres entités seront ouvertes en partie à la capitalisation boursière.
Un démantèlement présentant de nombreux risques
Se pose donc la question des risques d’ingérences politiques. En perdant le contrôle de sa production, l’Etat français s’expose à l’ingérence accrue de puissances étrangères (russe, allemande, américaine, chinoise, etc.).
Parallèlement, cela impliquerait une augmentation du prix de l’électricité et le mécontentement des utilisateurs, déjà exaspérés par les hausses des prix du carburant et des taxes diverses. Une fois de plus, l’État français risquerait une deuxième vague de soulèvement populaire de type « gilets jaunes », conduisant à un affaiblissement économique et social, à une perte de puissance nationale et d’influence internationale.
De surcroît, les risques économiques à commencer par la charge supportée par l’État et indirectement par le contribuable français seraient lourds. Notamment, la compensation mise en place des activités économiques d’un secteur impacté par la dette ne pourrait plus s’installer après le démantèlement donnant lieu à un assujettissement des ENR et l’hydraulique à la capitalisation boursière. D’une part, les actionnaires y trouveront un retour sur investissement, mais les employeurs et le contribuable en général en pâtiront. D’autre part, les dividendes ne resteraient pas obligatoirement en France, et, par souci de meilleur rendement, des économies d’échelle capitalistique verraient le jour, avec les risques de perte d’emplois, sourcing, délocalisation, perte de savoir-faire et de compétences, pillage technologique, etc.
La France risque enfin de ne pas pouvoir respecter ses engagements écologiques. Le travail que mènent les professionnels du nucléaire français pour intégrer l’électronucléaire à la taxonomie verte de l’Union Européenne s’en trouverait anéanti, ou du moins affaibli. Si la France perd ce combat, en dehors de la perte de financement et d’investissement dans le secteur du nucléaire par l’UE, elle serait quasiment contrainte de passer au 100% ENR. Paradoxalement, cela occasionnerait une augmentation des émissions de CO2 pour la France, ne lui permettant plus de tenir ses engagements sur l’accord de Paris. La France a déjà majoritairement une production d’électricité décarbonée grâce au nucléaire : 6g de CO2 par kW/h contre 12g et 55g respectivement pour l’éolien et le photovoltaïque ; si le transfert était totale sur la production des ENR, elle augmenterait les émissions de CO2 mondial (ces méthodes de production d’énergie ne générant pas de CO2 en phase d’exploitation, mais en amont lors de leurs constructions).
Les énumérations de ces risques sont bien sûr spéculatives et non exhaustives. Madame Anne Debregeas, la porte-parole du syndicat Sud Énergie, avait d’ailleurs déclaré que « l’avenir du secteur électrique, et donc de la transition énergétique, se négocie dans l’ombre à Bruxelles avec un seul credo : sauvegarder un simulacre de concurrence, en ignorant les enjeux techniques, économiques, écologiques et industriels de ce secteur et malgré le bilan indéfendable de cette politique ». Néanmoins, il faut quand même rappeler les avantages de l’industrie de l’électronucléaire français : une absence d’émission de CO2, une facilitée de pilotage en dehors des arrêts programmés ; un encadrement réglementaire très strict des activités, tant sur le plan de la sûreté et de la sécurité que sur ceux de l’environnement et de la santé. Cette filière emploie 220 000 personnes sur notre sol ; de plus grâce à l’énergie nucléaire, la France a déjà atteint les objectifs du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), une production d’électricité à 80% décarbonée.