Enedis met encore et toujours la pression

La pression exercée pour obliger les usagers à installer un capteur* Linky n’a pas faibli 

Mais la délibération de la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) du 4 février 2025 améliore un peu la situation des réfractaires au Linky.

S’il est vrai, comme l’annonce souvent Enedis, qu’une composante tarifaire fixe (composante socle) sera imposée à partir du 1er août 2025 à tous les usagers qui auront voulu conserver leur ancien compteur (6,48 € HT tous les deux mois, ce qui fera au total par année 6,48 € x 120% x 6 mois = 46,66 € TTC), la CRE impose à Enedis, en contrepartie de cette composante de gestion du compteur d’ancienne génération, un certain nombre de services qui va alléger la pression subie.

                Tout d’abord, à la demande de l’usager et sur prise de rendez-vous, Enedis devra faire une relève à pied par année, ce qui permettra d’éviter les suspicions de fraude, et qui pourra se substituer à l’obligation de transmettre vos relevés au moins une fois par an. Enedis ajoute même que cette intervention ne sera pas facturée dans la limite d’une demande par an, ce qui est donc suffisant.

                A la suite de pannes, et en particulier de pannes d’index, Enedis prétendait qu’il n’y avait pas d’autres solutions que de remplacer le compteur défectueux par un capteur-compteur Linky, et menaçait de couper la fourniture d’énergie à l’usager en cas de refus. En rupture avec ces pratiques, la CRE oblige désormais Enedis à assurer la maintenance des anciens compteurs : dans le texte de la délibération citée, à la page 128, il question de compteurs bleus électroniques, mais les compteurs électroniques (CBE) sont en fait blancs, comme chacun le sait. Jusqu’à aujourd’hui, Enedis affirmait qu’il était impossible de les remplacer à l’identique parce qu’ils étaient jetés ou détruits suite à leur dépose. Mais la CRE stipule bien à la page 128 de cette même délibération : «[La composante socle comprend donc] les coûts de maintenance des compteurs bleus électroniques : Enedis doit reconditionner des anciens compteurs car ils ne sont plus fabriqués ». Obligation donc de les reconditionner pour pouvoir les poser en remplacement à l’identique de compteurs défectueux lorsque l’usager refuse la pose d’un compteur Linky.

On peut donc dire qu’il y a du mieux !

Enfin, cette composante socle, qui s’élève à près de 47 € TTC par an, doit être comparée à la surfacturation provoquée par l’installation du compteur Linky (mesure de l’énergie réactive et consommation calculée selon la règle du cosinus phi [pour en savoir plus, voir l’article qui suit], qui aboutit à la facturation d’une consommation plus élevée, et parfois à l’obligation de prendre un abonnement plus coûteux). De nombreux utilisateurs du compteur Linky ont ainsi vu leurs factures s’envoler. Nous pensons que ce surcoût de la facturation lié à la pose d’un compteur Linky est globalement plus élevé que la composante socle qui vous sera facturée, ce qui constituera donc un moindre mal.

Vous trouverez ci-dessous le lien permettant d’accéder à la délibération de la CRE (TURPE 7) du 04/02/2025. Les informations mentionnées se trouvent p.128 & 129 de ce document.

https://www.cre.fr/fileadmin/Documents/Del

Note

* Le président du directoire de la société française de distribution d’électricité (ERDF, devenue depuis Enedis) interviewé par Matthieu Deleneuville JDN (Journal du Net ) le 11/07/2016.

« Notre métier évolue et nous sommes désormais un opérateur de big data qui va bientôt gérer 35 millions de capteurs connectés».

Un communiqué de Robin des Toits

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Si vous voulez en savoir plus sur le cosinus phi

Linky : pourquoi la facturation de l’énergie réactive est abusive.

Enedis veut désormais facturer aux clients domestiques leur “consommation d’énergie réactive”, grâce au compteur Linky, comme il le fait aux clients industriels depuis des décennies. Un peu de technique en réponse !

Enedis veut désormais facturer aux clients domestiques leur “consommation d’énergie réactive”, grâce au compteur Linky, comme il le fait aux clients industriels depuis des décennies. Un peu de technique en réponse !

Un compteur Linky est capable de mesurer distinctement les énergies active et réactive dites consommées (comme il sait aussi mesurer distinctement les énergies électriques consommées et produites dans le cadre d’une auto production).
Pour faire simple, le courant alternatif distribué par EDF/Enedis est caractérisé par :
– Une composante dite d’énergie active (kW/h) liée au champ électrique que l’on trouve aussi dans une alimentation à courant continu.
– Une composante dite d’énergie réactive (kVA/h) liée au champ magnétique crée par ce courant alternatif.

L’association de ces 2 composantes aboutit à une énergie apparente (kVAh). C’est cette énergie apparente qui serait, dans le futur, est, facturée par Enedis. Dans ce qui suit, va être montré qu’en fait, la facturation de cette énergie réactive pour les usages domestiques de l’électricité est injuste, et d’en donner les raisons sans trop rentrer dans des considérations électrotechniques complexes.

L’énergie réactive est essentielle pour le réglage de la tension (et par conséquent de la fréquence) sur les réseaux haute tension de RTE, Réseau Transport d’Électricité, filiale elle aussi d’EDF, (63, 150, 225, 400 kV) et moyenne et basse tension d’EnedisS .

La surveillance des valeurs de la tension, et leur ajustement à des valeurs contractuelles, sont des éléments clefs de la sécurité et sûreté de fonctionnement d’un réseau électrique. Il en va de même pour la fréquence qui doit être, dans l’Europe interconnectée, rigoureusement égale à 50 Hz. Le réglage de la tension (et aussi ses variations) se fait par les leviers d’action suivants:

– Les alternateurs des groupes de production
– La puissance transmise sur les lignes
– l’utilisation en certains points du réseau d’inductances (ou Self) et de batterie de condensateurs
– l’action des régleurs en charge des transformateurs

1/ Alternateurs
Ce sont les éléments essentiels, car le maintien d’une tension dans les valeurs contractuelles est essentiel pour la sûreté et sécurité des réseaux; et ce travail est assuré essentiellement par les alternateurs des groupes de productions. Les groupes de puissance élevée disposent d’un téléréglage (tension et fréquence) piloté depuis les dispatching de RTE.
Il faut savoir que le fonctionnement des alternateurs se fait selon un diagramme P,Q (P pour puissance active et Q pour réactive) appelé aussi trapèze, et que selon ce trapèze, la variation de puissance réactive n’a à 95% aucun impact sur la puissance active, sauf dans les limites du trapèze (limitation d’angle interne du rotor). Donc le surcoût est égal à zéro.
2/ les lignes
Lorsqu’une ligne est chargée entre 0 et 1/3 de sa capacité maximale, elle est « capacitive » donc produit de l’énergie réactive et au-delà elle est « inductive » donc absorbe cette énergie réactive (fournie alors par les groupes).
Lorsqu’une ligne est capacitive, la tension entre ses 2 extrémités va augmenter, et c’est le problème essentiel que l’on rencontre aux périodes de moindre consommation, car il faut mettre en œuvre des moyens pour baisser cette valeur de la  tension (mise hors tension de lignes, absorption du réactif par les groupes, mise en service des Selfs, etc…)

Lorsqu’une ligne est « inductive » elle peut être fortement chargée, ce qui se produit en période de pointe (mais pas seulement) ; la tension entre ses deux extrémités va baisser et c’est cette chute de tension sur les lignes qui peut provoquer des blackout, si on n’arrive pas à la maîtriser.  La solution est de faire fournir le maximum de réactif par les groupes, modifier la répartition des charges en changer les schémas de réseau en temps réel. Si la situation devient ingérable, les groupes de production vont arriver en limite d’angle interne du rotor d’alternateur (déphasage maxi entre intensité et tension) et ils risquent perdre le synchronisme, avec pour conséquence leur déclenchement, baisse générale de la fréquence et effondrement de la tension…

3/ Les Selfs et condensateurs
Les zones du réseau électrique sujets à des problèmes de tensions hautes ou basses sont bien identifiées; aussi des condensateurs ou des selfs y sont installés afin d’agir sur la valeur de la tension en les couplant ou les découplant.
4/ Réglage en charge des transformateurs
Ces régleurs , qui peuvent fonctionner en manuel ou en automatique, permettent de modifier le rapport de transformation entre le primaire et le secondaire du transformateur, permettant ainsi d’agir sur les valeurs de la tension autant sur le primaire que le secondaire.

Il faut savoir que sur une année ordinaire, RTE et Enedis sont plus souvent confrontés à des problèmes de tension haute que basse, donc ils sont plutôt amenés à essayer de faire consommer le « trop d’énergie réactive » que le « pas assez » dans la durée.

5/ Autre argument en faveur de la gratuité de cette énergie réactive
Jusqu’à présent, EDF/Enedis appliquait un coefficient pondérateur, appelé cosinus PHI (angle de déphasage entre le courant et la tension) d’une valeur de 0,9. Cette valeur correspondait à une consommation moyenne de cette énergie réactive par les appareils électriques des habitations dans les années 70 et 80. Mais depuis l’essor d’appareils bardés d’électronique et de modules numériques, cette énergie  réactive consommée ou absorbée prend de plus en plus de place dans la consommation d’électricité.
On pourrait donc en déduire que la tarification de la composante réactive est justifiée. Mais ce que l’on cache aux usagers, c’est que leurs appareils électriques, selon les composants électroniques qu’ils contiennent, peuvent tantôt consommer de l’énergie réactive (bobines, leds, lampes basse consommation, moteurs, pompe à chaleur…), et tantôt en produire (condensateurs des circuits d’alimentation d’ordinateurs, téléviseurs.)…

Or Enedis, n’en comptabilise que la valeur absolue, sans tenir compte du signe.
En conclusion, RTE et Enedis sont « obligés » de produire ou d’absorber (ou faire absorber par ses clients) de l’énergie réactive car c’est le principal levier d’action pour maintenir la fréquence à 50hz et la tension dans des valeurs contractuelles. C’est la sûreté et la sécurité des réseaux qui en dépendent et il est erroné de faire croire qu’ils le font pour les besoins des clients.

Cette facturation de l’énergie réactive est donc abusive.
Patrice Goyaud, Ingénieur retraité de EDF/RTE, membre de Robin des Toits

https://www.robindestoits.org/LINKY-pourquoi-la-factu