Des manuels papier pour tous les lycéens et lycéennes

La Région Île de France a lancé en 2017 une expérimentation baptisée « Lycée 100% numérique« .

Il s’agissait à la fois d’équiper les  des établissements d’un réseau informatique performant, de lancer l’usage de l’espace numérique de travail et de fournir aux élèves des tablettes — puis des ordinateurs — en remplacement des manuels.

À Paris, ce sont quatorze établissements qui avaient été sélectionnés pour prendre part à cette expérimentation : Louis-Armand (15e), Paul-Valery (12e), Pierre Gilles de Gennes (13e), Diderot (19e)… Des lycées à profil technologique, accueillant un public plutôt défavorisé. Les élèves ont été équipés de tablettes numériques dès la Seconde pour leur donner accès à leurs manuels scolaires entièrement numérisés.

UNE DÉCISION QUI FAIT TOUJOURS DÉBAT

Cette expérimentation s’est déroulée en catimini des personnels, des élèves et des parents, sans que le choix du 100% numérique ne soit même discuté en conseil d’administration. Les enjeux éducatifs, sociaux, économiques et écologiques étaient pourtant immenses et les questions éthiques demeurent sans réponse.

Chaque manuel numérique coûte en effet 8 euros et doit être racheté chaque année. Un manuel papier coûte moins de 30 euros et se conserve le temps que les programmes soient en vigueur, au moins 5 ou 6 ans. L’argent public doit-il servir à financer la gourmandise des éditeurs ?

Alors que la plupart des manuels papier sont imprimés en France et durent plusieurs années, les problèmes de consommation énergétique, de matière première, d’explosion du nombre de photocopies et les questions sociales concernant la fabrication en masse en Asie des ordinateurs Unowhy fournis par la région interrogent. Le coût social et écologique du 100% numérique a-t-il seulement été considéré ?

À l’heure où les alertes sur les effets des écrans se multiplient, alors qu’il est de notoriété publique que les enfants des dirigeants des GAFAM fréquentent des écoles « low tech » sans écrans, comment la politique éducative de la Région peut-elle continuer à ignorer les dangers posés par ses propres arbitrages et maintenir des établissements dans le tout écrans ?

DES INÉGALITÉS QUI SE CREUSENT 

Six ans après les débuts de cette expérimentation, alors que, suite à la pandémie, tous les élèves ont désormais un ordinateur fourni par la région et que l’usage des ENT s’est totalement diffusé, l’expérimentation est devenue obsolète en se généralisant mais une séquelle du plan « Lycées 100% numériques » demeure dans les établissements concernés : les élèves y sont privés de livres scolaires alors que dans les autres lycées, les élèves et les enseignants disposent des manuels achetés avant la pandémie correspondant aux programmes actuels. Nos établissements n’ont jamais eu les budgets pour les acquérir car l’expérimentation a été initiée avant la dernière réforme du lycée.

A rebours des alertes de santé publique sur la perte d’attention et de temps de sommeil des jeunes, à rebours de la volonté politique récemment affichée de remettre le livre au centre de l’environnement pédagogique des élèves, nos établissements n’offrent aux jeunes qu’un accès à des manuels numériques. La complexité d’utilisation, le verrouillage numérique, la multiplicité des plateformes, le manque de puissance du réseau internet en font des outils pédagogiques très largement sous-utilisés par les enseignants comme par les élèves (moins de 10% des manuels numériques achetés sont consultés).

Au vu de ce fiasco, la Région a donc décidé de les transformer à la rentrée 2024 en plateformes “granulaires” sur Pearltrees qui destructurent davantage encore la notion même de page et de liberté pédagogique. Nous n’en voyons pas la pertinence pour nous et nos élèves. Cette nouvelle modalité d’accès au manuel passera sans doute inaperçue ailleurs mais dans nos établissements, ces contenus pédagogiques en capsules seront probablement encore moins utilisés que les manuels numériques.

Nos élèves sont majoritairement issus de milieux populaires et ne passent déjà que trop de temps sur leurs écrans : plus de 5 heures par jour en moyenne. Nous refusons désormais de participer, même de manière périphérique, même involontairement, à la destruction de leur capacité d’attention par la surexposition aux écrans. 

DES MANUELS PAPIERS POUR TOUS !

Les choix de la politique éducative régionale aboutissent à un creusement manifeste des inégalités : les élèves au capital culturel le plus faible sont écartés d’un contact quotidien avec le livre. Au contraire, aucun des lycées les plus favorisés de la capitale n’a fait partie du plan Lycée 100% numérique. Tous les élèves y disposent donc encore de manuels. Comment apprendre à nos élèves la concentration, l’endurance et l’autonomie dont ils ont besoin en les privant des outils qui les permettent et dont d’autres disposent ? 

Par cette pétition nous demandons donc au Conseil régional :

Les enjeux éducatifs, cognitifs et sociaux sont trop importants et urgents pour que nos élèves continuent à faire l’objet d’expériences numériques.

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Pour signer la pétition :

https://www.mesopinions.com/petition/enfants/