Comment l’intelligence artificielle a fait augmenter les émissions de gaz à effet de serre des géants de la tech
Les émissions de CO2 de Google et Microsoft ont augmenté de plus de 40% ces dernières années. Une hausse en grande partie due à la construction de nouveaux data centers indispensables aux IA.
Elles le juraient la main sur le cœur. Pour ralentir le changement climatique, les plus grandes entreprises de la tech ont multiplié les promesses ces dernières années pour devenir à minima neutres en carbone à l’horizon 2030. Mais, loin de baisser, les émissions de gaz à effet de serre de certains des géants du net ont depuis gonflé, notamment à cause du développement d’une des technologies les plus en vogue ces derniers mois : l’intelligence artificielle.
C’est le cas de Google, dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 13% entre 2022 et 2023 et de 48% en cinq ans, selon le rapport annuel du groupe américain publié mardi 2 juillet. Les activités de l’entreprise (qui incluent notamment son moteur de recherche, mais aussi les plateformes Google Drive et YouTube, et les smartphones Pixel) ont conduit à l’émission d’environ 17,16 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2023.
Des data centers très gourmands
Comment expliquer cette hausse ? Google la justifie notamment par une augmentation des émissions dites de « scope 2 », qui incluent la production de l’électricité achetée par l’entreprise pour alimenter ses data centers. Or, ces unités de stockage de données informatiques sont indispensables au fonctionnement de la grande majorité des IA. Ces dernières, comme ChatGPT, doivent analyser des millions d’exemples de textes ou d’images pour pouvoir en générer de nouveaux sur demande – un processus par ailleurs gourmand en énergie.
Google pointe aussi une augmentation des émissions de « scope 3 », qui regroupent les émissions de tous les acteurs participant à la chaîne de production. Cela inclut donc les gaz à effet de serre liés à la construction des bâtiments de l’entreprise (dont les data centers) mais aussi les émissions liées à la fabrication des composants électroniques (les puces employées dans ses data centers, la fabrication de ses smartphones…).
Une activité précise est donc particulièrement pointée du doigt : l’intelligence artificielle. « A mesure que nous intégrons l’IA dans nos produits, la réduction des émissions pourrait s’avérer difficile », concède l’entreprise. Et pour cause : celle-ci s’est lancée à corps perdu dans la course avec les autres géants de la tech (comme Microsoft ou OpenAI) pour intégrer au maximum de l’IA générative à ses services, de la rédaction automatique de courriels à la retouche photo en passant par la recherche internet dite « augmentée ».
Une neutralité désormais obsolète ?
Google n’est pas la seule entreprise de la tech à voir ses émissions gonfler : l’un de ses principaux concurrents, Microsoft, est dans le même cas. Les activités de l’entreprise ont contribué au rejet de 17,16 millions de tonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère en 2023, contre 12,22 en 2020 (la première année où de tels relevés étaient effectués), d’après son rapport d’impact environnemental publié en mai. Soit une hausse de 40% en quatre ans.
Là aussi, l’entreprise pointe du doigt « la construction de nouveaux data centers ». Microsoft, qui a passé un partenariat avec OpenAI (le créateur de ChatGPT), produit aussi ses propres logiciels d’IA et les intègre dans la plupart de ses services. L’entreprise a pourtant comme objectif d’être « négative en carbone » d’ici à 2030, mais cet objectif a été dévoilé en 2020, « avant l’explosion de l’intelligence artificielle », se justifie Brad Smit, le président de Microsoft, auprès de Bloomberg.
Des émissions difficiles à quantifier
Les deux géants de la tech se défendent en mettant en avant leurs efforts pour réduire les conséquences de leurs activités. Elles disent notamment améliorer le fonctionnement de leurs data centers et se fournir de plus en plus en énergies renouvelables, et assurent que les progrès de l’IA permettront d’optimiser la consommation d’é
nergie ou de trouver de nouvelles solutions au réchauffement climatique. Qu’en est-il des autres entreprises du secteur ? Compliqué de le savoir, car ces émissions sont difficiles à quantifier et souvent entourées d’un épais voile de secret.
Apple assure que ses émissions de CO2 ont baissé ces dernières années (PDF), mais le concepteur de l’iPhone est encore distancé par ses concurrents en matière d’IA, et les nombreuses fonctionnalités d’IA qu’il a dévoilées en juin n’arriveront sur iOS qu’à l’automne aux Etats-Unis. De leur côté, Amazon et Meta (maison mère de Facebook) n’ont pas publié de données sur le sujet depuis 2022, soit avant l’explosion des applications d’IA générative. Et c’est sans compter les émissions des centaines de start-up qui ont émergé ces derniers mois pour surfer sur la vague.