3G 4G 5G

Quels risques pour la santé ?

Les antennes de téléphonie mobile fleurissent, à mesure que la 5G s’installe dans nos villes et la controverse fait rage quant aux dangers potentiels de ces nouvelles radiofréquences. L’ANSES vient d’affirmer qu’il n’y a « pas de nouveaux risques ». Cette enquête donne la parole à ceux qui en doutent.

Développer l’intelligence artificielle, les voitures sans conducteurs, la télé-chirurgie, … optimiser des processus industriels… Autant de promesses portées par la 5G. La 5e génération de téléphonie mobile doit nous donner accès à des débits largement supérieurs à la 4G, avec des temps de latence très courts et une haute fiabilité. C’est ce qui en fait une « technologie clé » pour le gouvernement, une technologie favorisant la croissance économique et la compétitivité.

Mais la 5G nécessite l’utilisation d’une nouvelle gamme de longueurs d’ondes, ce qui suppose de densifier les réseaux, donc de déployer de nouvelles antennes. Et c’est ce qui suscite des craintes sanitaires. Le secrétaire d’Etat au numérique se veut rassurant. En visite en Bretagne, ce vendredi 2 juillet, Cédric O a affirmé : « La France est le pays qui a le cadre de surveillance de l’exposition aux ondes le plus fort.« 

Pas de quoi rassurer les personnes électrosensibles qui se plaignent déjà des effets des champs électromagnétiques. Ni les chercheurs indépendants qui ont constaté leur impact sur des végétaux et des animaux.

Dans cette enquête, Tara Schlegel a choisi de donner la parole à ceux qui souffrent des effets des radiofréquences et à quelques scientifiques indépendants qui en appellent au principe de précaution et affirment que ces technologies ne sont pas sans danger.

Depuis avril 2018, l’association Ondes Citoyennes, créée par un collectif de riverains, tente de lutter contre l’implantation d’antennes relais, dans plusieurs communes situées autour de Clermont-Ferrand. Tout a commencé lorsque le physicien Guy Cautenet, ancien professeur des Universités, et son voisin, le photographe Francis Debaisieux – qui habitent tous deux à Beaumont – ont vu s’installer derrière chez eux, à environ cent-cinquante mètres, une drôle de structure qui s’est avérée abriter une antenne de téléphonie mobile. C’était trois jours avant Noël, en décembre 2016. Depuis sa mise en fonctionnement, environ six mois plus tard, les premiers effets des ondes se sont fait sentir sur le sommeil de Francis, dont la maison est pile dans l’axe. Désormais, le photographe est obligé de dormir dans sa cave ! Il nous fait visiter sa maison :

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« Je suis pile dans l’axe, je n’ai rien qui absorbe les ondes. »

 

Aujourd’hui, Ondes Citoyennes rassemble des habitants d’une douzaine de communes, autour d’un projet commun : s’inquiéter des impacts sur la santé de ces antennes qui se développent très rapidement sur le territoire. Peser sur les élus locaux, pour qu’ils informent la population et si possible s’opposent aux demandes d’implantation. Guy Cautenet, qui préside l’association, revient sur sa genèse :

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« En général on nous rejoint parce qu’on se rend compte qu’une antenne est en train de se construire à côté de chez soi. »

 

L’impact des champs électromagnétiques, générés par les ondes de la téléphonie mobile, est encore controversé. Néanmoins, l’idée qu’ils pourraient accroître le risque de cancer fait son chemin.

En mai 2011, le CIRC, a classé les radiofréquences comme « cancérogènes possibles » pour l’homme. Autrement dit, un groupe de travail interdisciplinaire du Centre International de Recherche contre le Cancer, qui est une agence de recherche de l’OMS (l’organisation mondiale de la santé) basée à Lyon, a examiné cette année là la littérature scientifique disponible et en a conclu que le risque existait. Les experts se sont notamment basés sur des études épidémiologiques, qui montraient un risque accru de gliome (un certain type de tumeur maligne du cerveau) associé à l’usage des téléphones portables, comme l’explique l’Inrs, un organisme généraliste qui étudie la santé au travail

En avril 2019, un groupe d’experts indépendants, composé de 29 personnes originaires de 18 pays différents, a recommandé au CIRC de réévaluer sa vision des radiofréquences, à la lumière – notamment – de deux nouvelles études, sorties aux Etats-Unis et en Italie et qui montrent l’effet des ondes sur les rats. Les experts ont recommandé que les radiofréquences soient qualifiées de « cancérogènes probables » … et pour ce groupe chargé de conseiller le CIRC, il faut donner à ces travaux de réévaluation une « haute priorité ». 

Pour l’instant, les associations de riverains, comme Ondes Citoyennes, sont contraintes de tenter de faire pression sur les opérateurs, sans beaucoup de succès. Dans le village de Beaumont, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand, se trouve l’un des « points atypiques » les plus élevés de France. On nomme « point atypique« , un lieu où on peut mesurer un niveau  « d’exposition aux champs électromagnétiques qui dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale », écrit l’Agence nationale des fréquences sur son site.

L’ANFR recense chaque année depuis 2015 la liste de ces « points atypiques », où les radiations dépassent 6 V/m. Dans ces lieux, qui sont des habitations ou des espaces ouverts au public, les exploitants des antennes relais reçoivent – s’ils dépassent ce niveau – une notification de l’ANFR. Comme l’explique l’agence : « Les exploitants ayant reçu (…) des avis de l’ANFR doivent, sous réserve de faisabilité technique, prendre des mesures permettant de réduire le niveau des champs reçus, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus ». En clair, les opérateurs doivent alors diminuer la puissance de leurs antennes.

Cependant, ils ne le font pas toujours !

Ainsi, à Beaumont, Jean-François Maume se bat depuis plus d’un an contre plusieurs antennes installées à moins de 25 mètres de chez lui. Sa jolie maison de deux étages est située juste en face de l’église romane, sur la place principale du village. Mais Jean-François et son épouse, Debbie, ne peuvent même plus ouvrir leurs fenêtres. Ils vivent barricadés derrière des volets clos et ont dû installer des rouleaux de tissus en aluminium pour se protéger un peu des ondes. Guy Cautet, qui préside l’association Ondes Citoyennes et se déplace avec un petit appareil de mesure, a mesuré jusqu’à 18 V/m sur la terrasse de Jean-François Maume et plus de 11V/m à l’intérieur des pièces, fenêtres ouvertes.

Visite guidée de cette maison auvergnate, devenue inhabitable pour ses occupants, avec Guy Cautenet, puis Jean-François Maume :

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« J’ai la sensation d’avoir une brûlure au cerveau. »

 

Alors que Orange et Bouygues étaient déjà installées depuis quelques années sur le toit de la quincaillerie, en face de la maison des Maume, Free a installé une troisième antenne 4G il y a un peu plus d’un an et demi. A partir de ce moment là, Jean-François, n’arrivant plus à trouver le sommeil, a demandé à l’ANFR de venir constater qu’il vivait bien dans un lieu qualifié de « point atypique ». Un technicien est donc venu en mars 2020 et a relevé un niveau supérieur aux 6V/m. Mais malgré cette intervention, l’opérateur n’a rien fait explique Jean-François Maume :

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« le seul point atypique au même niveau que nous était à Lyon et il a été corrigé. »

 

Aujourd’hui, assure Guy Cautenet d’Ondes Citoyennes, rien n’a changé depuis le passage de l’ANFR : « Jean-François Maume a tout tenté, le maire de Beaumont lui aussi a écrit pas mal de lettres, j’ai moi-même demandé un rendez-vous au préfet début avril (pas encore de réponse …). Le brillant résultat est le suivant : le niveau global moyen, qui était de 7,95 V/m (volts par mètre) l’an dernier est maintenant, après trois interventions de l’ANFR, de 7,72 V/m, soit une baisse de moins de 3% !« 

Les élus impuissants face à la 5G

Force est de constater que les élus n’ont pas vraiment plus de poids que les citoyens face aux opérateurs de la téléphonie mobile. La ville de Clermont-Ferrand fait partie des agglomérations qui se sont prononcées contre la 5G à l’automne dernier, au moment où le déploiement de cette nouvelle technologie a débuté. L’ensemble de la métropole Clermont-Auvergne, soit 21 communes, a demandé à l’époque un moratoire aux pouvoirs publics. L’idée était d’attendre, au moins, que l’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ait remis son rapport sur « les effets sanitaires éventuels » associés au déploiement de la 5G.

Or malgré cette position prise par les élus clermontois, l’opérateur Orange a choisi la capitale de l’Auvergne comme l’une de ses « villes pilotes » pour implanter la 5G ! Nous avons rencontré deux adjoints au Maire de Clermont-Ferrand : Anne-Laure Stanislas est chargée de la ville en transition et Nicolas Bonnet des « sujets environnementaux comme la qualité de l’air ». Tous deux sont membres d’Europe Ecologie Les Verts et conseillers métropolitains. Ils reviennent sur le différent qui les a opposés aux opérateurs et sur le peu de pouvoirs dont disposent les maires :

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« nous ne sommes pas nécessairement dans notre bon droit pour refuser l’installation des antennes. »

 

Ces deux élus Verts soulignent également que l’on néglige trop l’impact de la future 5G sur l’environnement. Avec cette nouvelle technologie, qui prévoit d’utiliser des fréquences radicalement différentes du spectre actuel – puisque l’on parle « d’ondes millimétriques » de 26 GHz – il faudra renouveler tout le parc des appareils connectés. Ce qui signifie la mise en rencart de centaine de milliers de téléphones portables et l’achat de nouveaux objets dits « intelligents » capables de communiquer entre eux. Comment Anne-Laure Stanislas et Nicolas Bonnet voient-ils leur rôle, dans ce contexte ?

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« est-il vraiment nécessaire d’exploiter encore plus de ressources naturelles, pour ce nouveau service ? ».

 

Le 20 avril dernier, avec plusieurs mois de retard sur le calendrier initial et surtout bien après l’installation des premières antennes 5G et la vente des premiers mobiles, qui s’était faite autour de Noël, l’ANSES a publié son rapport tant attendu sur l’évaluation des risques sanitaires. 241 pages, qui constituent une revue de la littérature existante et qui concluent : « 5G : pas de risques nouveaux pour la santé au vu des données disponibles. » Ce rapport a été très critiqué par les scientifiques et les associations qui s’inquiètent des effets des ondes sur la santé humaine et animale. Nous allons y revenir.

Mais à Clermont-Ferrand, comme dans d’autres villes, le rapport de l’ANSES a contraint les municipalités à abandonner les refus qu’elles avaient parfois opposé aux opérateurs. Ainsi, dans la métropole Clermontoise, les services avaient prononcé depuis le mois de janvier 2021 : 10 refus d’autorisation de travaux pour l’installation de nouvelles antennes. Par ailleurs, ils avaient aussi accepté 11 projets et prononcé 9 décisions tacites.

Sur les 10 refus, explique Anne-Laure Stanislas, 5 ont été abrogés par la commune elle même, puisque ces refus étaient devenus caduques à la suite du rapport de l’ANSES. Quant aux autres refus, plusieurs ont été attaqués et font l’objet d’un recours contentieux par les opérateurs. Parallèlement la ville est en train d’élaborer une « charte relative aux réseaux de téléphonie mobile », sorte de charge de bonne conduite qui devrait être votée le 2 juillet au Conseil métropolitain. Elle sera soumise aux opérateurs et devrait permettre d’instaurer un dialogue plus serein avec eux.

Dans toutes ces controverses liées aux ondes électromagnétiques et à l’implantation de la 5G, il faut se rappeler que la technologie que nous vendent les opérateurs n’est pas encore celle dont ils rêvent véritablement. La 5G va en effet s’organiser autour de deux nouvelles bandes de fréquences, l’une déjà quasiment connue des experts et l’autre presque totalement inconnue. Dans son rapport, l’ANSES a détaillé ces deux nouvelles bandes : pour la bande 3,5 GHz – qui est expérimentée depuis l’installation des premières antennes de cinquième génération cet hiver – on se situe très près des fréquences déjà utilisées par nos téléphones portables actuels, 2G, 3G et 4G. D’après les experts de l’agence sanitaire, qui ont réalisé une « extrapolation rigoureuse des résultats des études menées à des fréquences différentes » – il semble : « peu probable que le déploiement de la 5G dans la bande autour de 3,5 GHz, constitue à l’heure actuelle de nouveaux risques pour la santé ».

Par ailleurs, en ce qui concerne la 5G du futur, celle qui devrait constituer une véritable révolution mais qui n’est pas encore en place et qui utilisera des fréquences autour de 26 GHz, « les données sont insuffisantes pour conclure à l’existence ou non d’un risque pour la santé », écrit l’ANSES. L’agence mentionne, cela dit que ces nouvelles ondes auront « une pénétration dans le corps beaucoup plus faible, de l’ordre du millimètre ». En conséquence, seront exposés « les couches superficielles de la peau ou de l’oeil. Les simulations disponibles laissent présager des niveaux d’exposition faibles ».

Depuis la publication du rapport de l’ANSES, fin avril, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer sévèrement le travail des experts. Du côté des citoyens, des associations comme Alerte Phonegate et Robin des Toits se sont mobilisées pour rédiger ensemble une contre-expertise qui dénonce « le positionnement ouvertement faborable au lobby industriel qui met en danger la santé publique ! ». En substance, le docteur Marc Arazi – d’Alerte Phonegate – et Pierre-Marie Théveniaud – de Robin des toits estiment que l’ANSES « ne reconnait que les effets thermiques des ondes », autrement dit l’échauffement des tissus au contact de l’appareil. Or « le fait qu’à ce jour il n’y ait pas de consensus officiel ne veut pas dire que l’ANSES ne doive pas tenir compte d’autres effets sanitaires », insistent les auteurs. Il est vrai que plusieurs publications scientifiques démontrent ces effets dits « biologiques ».

Ecoutez l’émission de 55 minutes sur France culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/grand-reportage/3g-4g-5g-quels-risques-pour-la-sante