La faute de la technologie
Un article d’Aurélien Girard.
A la fin de ce document, un autre article trouvé dans Ouest-France
Alors que se multiplient les exemples de policiers tués par des voyous, de maires et de parlementaires agressés, que pas une semaine ne passe sans que la rupture d’un couple ne finisse en fait-divers sanglant ; alors que l’extrême gauche autant que l’extrême droite systématisent la violence ; que des enfants tuent des enfants ; alors que la haine se déchaîne en ligne quand on n’est pas assez pro- ou anti-, ou quand on refuse de devenir militant des causes de la diversité ; alors, qu’on ne peut retrouver la tranquillité qu’en éteignant tous ses écrans, Emmanuel Macron a volontairement laissé fuiter d’un Conseil des ministres le concept par lequel il tente de décrire cette courbe, cette pente et cette chute : la « décivilisation » ; dit pleinement, la régression de la civilisation humaine, le retour à la barbarie.
Toute la gauche s’est ruée ces derniers jours sur le président, l’accusant de droitisation et rappelant que le concept de décivilisation ramène à Renaud Camus, ancien socialiste devenu penseur de la droite identitaire (ou de l’extrême-droite, selon.)
Bien avant lui pourtant, l’ethnologue Robert Jaulin avait utilisé le terme pour dénoncer l’uniformisation culturelle du monde et l’éloignement du sacré ; le sociologue allemand Norbert Elias tentait lui, d’expliquer avec ce même terme le processus ayant mené aux camps de la mort nazis. Il ressortait de sa vision que l’ascension des civilisations va toujours avec celle des normes sociales, de la capacité d’auto-restriction, du contrôle des passions. Ainsi naquirent la pudeur, la courtoisie, l’étiquette.
Lors de la montée du régime nazi, comme dans celle des différents régimes communistes, Elias rappelle qu’a eu lieu ce qu’il nomme « le grand relâchement de la conscience morale », qui s’est en premier traduit par la promotion sociale de la grossièreté et de la brutalité.
Cet abaissement des exigences morales et des normes sociales, considérées comme « bourgeoises » aussi dans le national-socialisme, s’est retrouvée dans la vague soixante-huitarde, sous la bannière du « courant d’émancipation » que l’on retrouve aujourd’hui dans tous les discours progressistes. Il s’agit à chaque fois de briser des carcans – c’est-à-dire des règles non acceptées – en laissant le champ libre aux pulsions, au détriment de la raison. Par cela se déconstruisent progressivement des civilisations parfois millénaires et revient la barbarie.
Le développement technologique des sociétés, lui aussi conceptualisé comme « émancipateur » dans la pensée progressiste, a été une des armes principales de cette destruction, ce qu’illustre l’annonce cette semaine des premières implantations des puces électroniques de la compagnie NeuraLink dans des cerveaux humains. Après la seconde guerre mondiale, la technologie a d’abord artificialisé les sols, poussé à sur-exploiter les ressources de la planète, massivement pollué. Elle a ensuite modifié les plantes par ingénierie génétique, s’est rendue indispensable au quotidien, a déployé toutes les techniques de la manipulation mentale pour créer des addictions aux produits superflus, aux écrans, ainsi que pour diminuer le sens critique et radicaliser les communautés. Deux exemples chinois l’illustrent : la création en 2018, par des généticiens à Canton, des premiers êtres humains génétiquement modifiés ; puis celle de TikTok, dont l’objectif non avoué est d’imbéciliser un peu plus les nouvelles générations pour les « déciviliser. »
Avec Neuralink, le milliardaire Elon Musk utilise comme tous les transhumanistes le prétexte de guérison des malades – tétraplégiques par exemple – en guise de Cheval de Troie. Comme pour toutes les technologies, la promesse est celle du confort et de « l’émancipation » à venir : devenir plus résistant au stress, avoir une meilleure mémoire, télécharger des contenus d’Internet directement dans son cerveau. Comme pour toutes les précédentes technologies, le but réel est de poursuivre le grand relâchement de la conscience morale, d’affaiblir les capacités d’auto-contrôle que la démarche civilisationnelle avait développées chez chacun, de rendre le cerveau « hackable ». Le chemin suivi n’est rien moins que celui de la destruction de l’humanité, de la rupture complète du lien avec le monde vivant.
Pour reciviliser et s’éloigner de ce monde de machines inertes, les anciens ont heureusement laissé en héritage la voie de la moralité – la culture de la vertu, aurait dit Socrate – pour nous permettre de reprendre le contrôle. Si nous le souhaitons.
https://www.epochtimes.fr/de-decivilisation-a-perte-dhuman
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2 commentaires à ce premier article
Je ne partage pas certains accents droitiers ; par exemple cette manie de condamner « la pensée 68 », cause de tous nos maux, en l’assimilant au communisme et au nazisme !
J’emploie aussi le mot « dé-civilisation ». J’ignorais que Renaud Camus en parlait. Sauf que je ne l’emploie pas depuis une analyse voisine. Au contraire. Une forme de « barbarie », comme dirait Fabien Lebrun, de dressage technologique liberticide et décérébrant – « totalitaire ».
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plutôt que décivilisation, j’utiliserais plutôt : ère pré-transhumanisme ou civilisation pré-transhumanisme.
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Ouest-France a publié un article en date du 28 mai 2023
A notre intelligence de contrôler l’avenir
Le nom de Geoffrey Hinton vous dit-il quelque chose ? Pourtant, l’avertissement qu’il lance voici quelques jours dans les colonnes du New York Times est aussi inquiétant que fondateur pour la construction de notre société à venir.
De la même façon que l’on attribue à Robert Oppenheimer l’invention de la bombe atomique, G. Hinton est considéré comme le parrain de l’intelligence artificielle (IA). En 2019, il a reçu, avec deux autres chercheurs, le prestigieux prix Turing, l’équivalent du Nobel pour les informaticiens. Son exploit : la création d’un réseau de neurones artificiels inspirés du cerveau humain.
Ce Monsieur très câblé de 75 ans a décidé de quitter son employeurs, Google, pour pouvoir tirer la sonnette d’alarme en toute liberté. Son message est très clair : le développement de l’IA a été beaucoup plus rapide que prévu. Il estime « effrayantes » les avancées attendues dans les cinq ans à venir.
Il ne voit pas comment empêcher des puissances malintentionnées de s’en servir à des fins destructrices, allant même jusqu’à imaginer un scénario catastrophe dans lequel il n’est « pas inconcevable » qu’une IA puisse « anéantir l’humanité ».
Quelques semaines auparavant, 1 100 ténors de la recherche dans ce domaine ont entonné le même air : la société n’est pas prête à utiliser tout ce qui vient d’être créé. Un propos alarmant repris par G. Hinton. Il appelle les scientifiques à faire une pause dans leurs travaux afin d’assumer qu’ils « sont capables de les contrôler ».
Alors qu’on l’on regarde avec étonnement les possibilités balbutiantes de ChatGPT, cette IA capable notamment de rédiger les devoirs d’histoire de nos enfants, Jenson Huang, le fondateur du fabricant de processeur Nvidia, prophétise que « dans les dix prochaines années, les modèles d’IA vont devenir un million de fois plus puissants que ChatGPT ».
L’homme vient-il d’ouvrir la boite de Pandore ? A l’effondrement de nos écosystèmes et raison d’une industrialisation massive, va-t-on ajouter une autodestruction de notre humanité remplacée par des machines ?
Ce qui était de la science-fiction il y a encore dix ans vient de faire une entrée fracassante. On pensait qu’Internet avait bousculé nos modes de vie, on découvre désormais qu’il pourrait être le simple véhicule d’un bouleversement encore plus radical : économique, sociétal et géopolitique.
Sans crier à la peur de l’an mille, car des avancées sont déjà très utiles, quelques voyants rouges sont là pour nous alerter. Les géants de l’IA sont principalement de deux camps : les grandes sociétés américaines dont les algorithmes dirigent déjà nos vies, et la toute-puissance Chine, dont le respect pour les idéaux démocratiques laisse pour le moins à désirer…
Pour la recherche, l’Europe a pris du retard, mais elle est en avance dans un domaine : le contrôle. Avant la fin de l’année 2023, elle devrait adopter un « acte sur l’IA » ; une première mondiale visant à bannir ce qui irait à l’encontre de nos démocraties. La démarche est salutaire. Souhaitons qu’elle soit exemplaire.
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Commentaire
Il serait utile de faire la critique de Hinton : ce monsieur a travaillé sur la question : comment faire avancer l’IA ? Il ne s’est pas posé les questions : pourquoi ? quels inconvénients ? C’est comme Oppenheimer qui a inventé la bombe et le regrette ensuite ! Je reviens toujours à ce problème posé dans le livre « lettre aux ingénieurs qui doutent » : on ne regarde le problème que par le petit bout de la lorgnette et on n’essaie pas de voir ce que cela signifie dans son ensemble.
Jean Louis Vullierme, philosophe, a écrit un article dans le n° 20 de la revue Illusio ; il écrit notamment ceci : la « chaîne de commandement » prend « la forme d’un triangle où le dirigeant dispose seul de la vision la plus large du champ de bataille »… « chaque niveau inférieur correspondant à une restriction de l’angle de vue et venant déterminer, par le jeu des spécialités techniques, la micro-application d’un plan d’action qui ne conservait son sens qu’au niveau le plus élevé ». G. Hinton pouvait se rendre compte, en fin d’expérience, de ce à quoi allait servir ce qu’il avait découvert … tout comme Oppenheimer ! C’est tout le problème du rapport entre la politique et la science -qui n’est pas neutre !
La fin de l’article d’OF est très discutable : il est question des deux géants (USA et Chine) ; le journaliste critique la démocratie en Chine et laisse à penser à contrario que les USA et les grandes sociétés américaines sont un modèle de démocratie.
Le problème est le final de l’article : la fameuse régulation, les fameuses barrières qui peuvent vite devenir une sorte de leurre pour notre bonne ou fausse conscience : un « barrage contre le Pacifique » comme dirait une certaine.
Ce qui est intéressant, c’est que le temps est peut-être mûr maintenant pour lancer notre campagne pour un droit universel à la déconnexion.
Le journaliste part du principe suivant : l’IA existe, il faut la contrôler ! C’est un leurre. Chacun sait que le but ultime est de créer une société gérée par des robots. On en prend le chemin quand on voit l’état de la santé, de l’éducation, de la justice, des droits fondamentaux … le contrôle est largement insuffisant, inefficace. Il faut donc effectivement avoir le droit de se déconnecter. C’est la seule solution permettant à l’homme d’exister. Comment ? Vaste programme … qu’il faut mettre en place et diffuser !