Enfants et écrans

A la recherche du temps perdu

Il est question du rapport remis le 30 avril à E. Macron par la commission des experts

Pour avoir accès au document complet :

https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/04

Remarque préliminaire 

Cet impact des écrans était réclamé depuis bien longtemps par de nombreuses personnes. Un document a donc été élaboré par une commission qui a fait un travail très intéressant. Le problème est qu’il a été remis à E. Macron qui devait décider de la suite. Il pouvait tenir compte des 29 propositions. Il pouvait aussi décider de faire comme il l’avait fait avec la Convention Citoyenne pour le Climat.
La suite, on la connaît 
: des élections ont fait que ce grave sujet sera certainement oublié pendant un très long moment ! L’espoir fait vivre ???

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Un rappel

Les enfants de 2 ans, 3,5 ans et 5,5 ans habitant dans les Hauts-de-France sont ceux qui utilisent le plus d’écrans en France ! Il faudra donc réagir si on ne veut pas que notre région – qui est déjà bien défigurée – soit encore plus sinistrée.

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Extraits

Préambule

La technologie a la capacité d’émanciper les enfants, de les libérer, parce qu’elle leur permet d’accéder plus librement et plus facilement à la connaissance. On peut aussi espérer qu’elle soit facteur d’égalité sociale réelle, parce qu’elle donne accès à la même connaissance quel que soit l’environnement de l’enfant qui se connecte, quel que soit le prix de l’appareil qu’il utilise. Pour la première fois, sur un sujet donné, un enfant peut en savoir plus que son parent, que son professeur, ou que son ministre.

Mais, comme tout ce qui est façonné par l’homme, la technologie a aussi la faculté d’être utilisée pour enfermer, aliéner, soumettre les enfants.

Après trois mois de travaux, la Commission a acquis la conviction qu’elle devait assumer un discours de vérité pour décrire la réalité de l’hyper connexion subie des enfants et des conséquences pour leur santé, leur développement, leur avenir, pour notre avenir aussi… Celui de notre société, celui de notre civilisation, et peut-être même celui de notre humanité.

La Commission a été bousculée par les constats qu’elle a eus à faire sur les stratégies de captation de l’attention des enfants, où tous les biais cognitifs sont utilisés pour enfermer les enfants sur leurs écrans, les contrôler, les réengager, les monétiser. Elle a été alarmée par certaines représentations, de la femme par exemple, que le numérique hyper amplifie, et par ce qu’il peut imposer aux jeunes filles dans leur vision d’elles-mêmes ou des comportements « attendus » d’elles.

Préempter ce nouveau marché, dans lequel nos enfants sont devenus la marchandise, est le nouvel axe de développement de quelques sociétés du numérique. Nous voulons leur dire que nous les avons vues et que nous ne pouvons les laisser faire.

Ce peuplement de l’espace numérique par les enfants, cette migration du réel vers le virtuel, se fait trop souvent de manière isolée, sans parent, et sans aucune sécurité. Nous devons leur redonner la main, pour mieux les accompagner, pour mieux les protéger, pour leur redonner leur place.

Nous devons aussi, tout adulte que nous sommes, nous remettre à hauteur de ce temps de l’enfance : nos enfants ne sont pas des « petits adultes », ils ont besoin de jouer, ils ont besoin que les adultes oublient leur portable pour leur donner du temps, ils ont besoin de dialoguer avec les grands et de les retrouver disponibles, à la maison, dans les parcs, pendant leurs activités, dans les villes comme dans les campagnes.

Face à la marchandisation de nos enfants, la Commission propose de reprendre le contrôle des écrans, pour remettre l’enfant au coeur de notre société et lui permettre de grandir et de se réaliser en toute liberté.

Ce qui fait la richesse d’une Nation, c’est sa jeunesse, et la nôtre n’est pas à vendre.

Propositions

Axe n°1 : S’attaquer, pour les interdire, aux conceptions addictogènes et enfermantes de certains services numériques afin de redonner du choix aux jeunes

1 Inverser la charge de la preuve pour lutter contre les conceptions et les algorithmes délétères des services numériques et se doter de capacités d’audits réguliers indépendants

2 Proscrire les pratiques délétères en termes de conception et faire émerger un standard éthique européen

3 Rendre le pouvoir à l’utilisateur par la reconnaissance d’un nouveau « droit au paramétrage »

4 Renforcer les « garde-fous » dans les jeux vidéo pour sécuriser l’expérience des jeunes joueurs, et ainsi mieux les protéger des contenus inappropriés et lutter contre le développement des microtransactions et designs trompeurs

5 Sécuriser, structurer et amplifier l’action de la société civile, comme relai incontournable de gestion des externalités négatives des plateformes

6 Envoyer un signal clair d’investissement dans la recherche multidisciplinaire et d’ouverture des données afin de renforcer la position du régulateur dans le dialogue avec les forces économiques

Axe n°2 : Protéger, plutôt que contrôler, les enfants : une bataille qui doit se mener et peut se gagner auprès des acteurs économiques

7 Faire émerger et promouvoir des solutions privées de protection plus efficientes et accessibles, notamment pour les familles

8 Soutenir le déploiement ferme du DSA à l’égard des sites pornographiques, pour forcer à l’adoption des outils de contrôle de l’âge déjà disponibles, et investir dans le même temps dans la production de ressources adaptées aux questions légitimes des enfants sur leur vie affective et sexuelle

9 Garantir le passage à l’échelle de la politique de signalement pour en faire un levier important d’action en direction des plateformes

10 Promouvoir activement les meilleurs standards de protection de la santé physique et de l’environnement pour les outils technologiques et services numériques

Axe n°3 : Assumer et organiser une progression des usages des écrans et du numérique chez les enfants en fonction de leur âge

11 Protéger les jeunes enfants de moins de 6 ans de l’exposition aux écrans, notamment dans les lieux d’accueil (crèches, assistantes maternelles, école maternelle…)

12 Autoriser l’accès aux seuls réseaux sociaux éthiques à compter de 15 ans

13 Organiser une prise en main progressive des téléphones :

– avant 11 ans : pas de téléphone

– à partir de 11 ans : téléphone sans connexion Internet

– à partir de 13 ans : téléphone connecté sans accès aux réseaux sociaux ni aux contenus illégaux

– à partir de 15 ans : accès complémentaire aux réseaux sociaux éthiques.

14 Définir et piloter une politique d’équipements numériques respectueuse des enfants, et réconciliant les enjeux de santé, de pédagogie, d’éducation et d’environnement

15 Associer systématiquement le déploiement des programmes et des ressources numériques éducatifs dans un cadre scolaire à une expérimentation, une étude d’impacts préalable avant diffusion plus large et à une formation des enseignants à leurs usages pédagogiques. Garantir l’accès aux outils numériques adaptés pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, les enfants éloignés de l’école ou les situations de rupture de continuité pédagogique. Labelliser les solutions numériques éducatives ayant validé scientifiquement leur impact positif sur les apprentissages et les mettre à disposition des enseignants via une interface dédiée et sécurisée

16 Fixer un cadre strict d’utilisation pour « Pronote » et les ENT avec mise en place de paramétrages par défaut protecteurs des enfants

17 Renforcer l’application de l’interdiction des téléphones au collège, et systématiser dans chaque lycée un cadre partagé sur la place et l’usage des téléphones dans la vie de l’établissement

Axe n°4 : Préparer sérieusement les jeunes à leur autonomie sur les écrans, leur donner le pouvoir d’agir et, dans le même temps, redonner toute leur place aux enfants et aux jeunes dans la vie collective

18 Former et informer les élèves dès l’école élémentaire puis tout au long de leur scolarité, de façon appropriée selon leur âge, au numérique, à son modèle, à ses contenus, à ses usages, aux opportunités qu’il offre et aux dangers qu’il peut présenter

19 Avoir des adultes et des étudiants référents sur le numérique en ligne et hors ligne et créer des espaces de dialogue sécurisés pour les enfants

20 Renforcer l’éducation à la santé, et spécifiquement :

aux enjeux du sommeil.et assumer en conséquence d’ouvrir la réflexion pour une meilleure adaptation des organisations scolaires aux besoins physiologiques des jeunes

aux risques liés à la sédentarité et à l’insuffisance d’activité physique, et en conséquence mieux mobiliser les cours d’éducation physique et sportive pour un suivi renforcé des enfants

– aux risques concernant la vue en multipliant les occasions de temps en extérieur

21 Faire une place sérieuse et complète à toutes les éducations « au vivre ensemble » (l’éducation à la vie sexuelle et affective, l’éducation aux enjeux de genre, l’éducation aux compétences psycho sociales, l’éducation civique…) qui sont systématiquement traversées par des enjeux d’amplification face au numérique

22 Peupler l’espace public d’alternatives aux écrans pour les enfants, et redonner à ces derniers toute leur place, y compris bruyante

Axe n°5 : Mieux outiller, mieux former au numérique et mieux accompagner les parents, les enseignants, les éducateurs et tous ceux qui interviennent auprès des enfants, tout en organisant une société qui remet l’écran et le numérique à leur juste place

23 Déployer une véritable politique d’aide et de soutien à la parentalité en matière d’écrans et de numérique

24 Permettre aux enseignants de maîtriser les fondamentaux du numérique, les enjeux de la citoyenneté numérique et les usages pédagogiques du numérique dès leur formation initiale et garantir tout au long de leur carrière la possibilité d’actualiser leurs connaissances

25 Sensibiliser l’ensemble des professionnels et bénévoles intervenant auprès des enfants aux enjeux du numérique et bâtir un cadre de recommandation des usages de leurs écrans lors des interactions avec les enfants

26 Promouvoir des lieux et des temps « déconnectés » et sans écran, notamment pour encourager les adultes à se poser la question de leur propre rapport aux écrans

Axe n°6 : Mettre en place un dispositif ambitieux de gouvernance permettant à la puissance publique de définir une véritable stratégie, de disposer de capacités de pilotage, de pouvoir mieux soutenir les acteurs qui interviennent auprès des jeunes et des familles, et d’informer les citoyens

27 Installer une gouvernance et une force d’organisation nouvelles au service d’un projet global pour la maîtrise du numérique, la protection et l’émancipation des jeunes

28 Assurer la soutenabilité des moyens nécessaires par la déclinaison du principe pollueur payeur alimentant un fonds dédié de financement de la recherche, des politiques publiques et acteurs vertueux

29 Déployer une stratégie de communication massive, récurrente, grand public de sensibilisation et d’information sur les enjeux de santé, d’éducation et d’environnement attachés largement aux « écrans », ainsi que de promotion des besoins de l’enfant et des réponses alternatives